La fabrication du Lumpen

Publié le par Winston Morgan Mc Clellan

   Qu’est-ce qu’un Etat providence ? C’est un Etat qui offre des aides sociales aux plus précaires, et leur assure une vie décente. Ce peut sembler une chose noble, puisqu’elle semble emprunte de générosité et de bonté ! Personne, dans le monde moderne, ou chez les républicains, excepté ces pauvres béotiens savant de libéraux économiques, n’aurait l’idée de remettre en cause la moralité évidente de l’Etat providence ! Elle permet en effet d’empêcher les gens de sombrer dans la misère ! Cependant, dans l’optique de la formation d’une société autonome, réellement démocratique, l’Etat providence est une arme redoutable entre les mains des élites ! En effet, alors que le travail industriel semble dégénérer le travailleur[1], celui-ci perd son autonomie et son indépendance et n’est plus bon à rien, quand il se trouve au chômage. Les aides institutionnalisés (Etat providence) ont pour mission de construire une dépendance des pauvres, vis-à-vis de l’élite ; il leur est imposé le non choix de la docilité ou la misère[2]. Il s’agit de construire l’adhésion des gens à un système étatique qui leur permet de ne pas se noyer, faire accepter une domination, qui, le cas échéant, sera défendu par les domestiqués.

   Alors que l’Etat providence, institutionnalise et officialise ce procédé, la dictature communiste agit de la sorte de façon plus rustique : le régime fait exactement ce que faisait Louis Bonaparte. Le Parti (parfois indirectement) paye des racailles pour violenter un dissident, un journaliste ou la proie du notable prédateur encarté… mais aussi pour acclamer le grand pope du pouvoir en place, à l’occasion.

   Depuis Marx, il y a eu évolution du phénomène « Lumpenprolétariat ». Comme l’homme est passé du stade de cueilleur-chasseur à éleveur-agriculture, l’homme d’élite, le bourgeois ne cueille plus le Lumpenprolétariat ; le professionnel de la « gouvernance », l’homme d’élite a appris à le cultiver, durant le XXe siècle, pour enfin, le produire à l’échelle industrielle. Et il faut avouer que les rendements sont impressionnants ! Avec cette évolution, devrait aussi arriver un changement linguistique : comme l’a souligné André Gorz[3], le prolétariat n’est plus. Il convient que le langage accompagne les évolutions sociales, au risque de perdre de sa vitalité et ne plus pouvoir dire quoi que ce soit. Utiliser le vocable « lumpenprolétariat » ne me semble plus alors bienvenu, je parlerai alors de « Lumpen ».

   Pour produire le lumpen à l’échelle industrielle, l’élite à élaborer des outils, qu’il perfectionne saison après saison. Les médias, qu’il s’agisse de la télévision de la radio, des livres, des journaux, des musiques et des films, contribuent à produire du lumpen. Le média est la voix de qui le tiens, qu’il s’agisse du service public que des médias privés[4]. Ils véhiculent leurs « valeurs », leur imaginaire, leur message, sous des yeux de spectateurs fascinés, dont l’esprit spongieux mais sec, absorbe ce dans quoi il est trempé.

   L’école ! Ah l’école, ce fils béni de la république, qui nous apprend à être libéral, c’est à dire l’ennemi de ce que nous sommes ! Cette école qui nous enseigne à considérer que notre société est effectivement le meilleur des mondes[5] possible ! Cette école qui nous apprend à voir le monde avec les lunettes de ceux qui nous dominent et nous aliènent. C’est enfin l’école qui nous enseigne l’individualisme, où donner une réponse ou une aide à un camarade de classe est sanctionné, car « le travail est personnel »… et qui enfin, opère le contrôle qualité des gramophones qui en sortent.

   L’immigration ! Il est possible que certains lecteurs perdus commencent à avoir peur à la lecture du mot qui entame ce paragraphe. Mais il faut être lucide, l’immigration n’est pas une belle chose ! D’abord, elle tire des hommes hors de leur monde, rural, paysan, solidaire, cultivé, pour les poser dans d’horribles contrées industriels, individualistes et xénophobes[6] ! Cependant, l’immigré reste un homme, dans la mesure où il garde sa décence, qu’il arrive tant bien que mal à mettre en commun avec les autres. C'est avec les générations suivantes que s'opére la dégradation ; la seconde génération voudrait s’intégrer, mais elle n’y arrive pas[7]. La troisième qui pause problème ! Ils sont à la fois enragés et incultes, ce qui représente un cocktail explosif ! Enragés, car vivant dans des conditions de morlock, inculte car d'une part non éduqué par des parents perdus loin de leur source, et d'autre part épongeant la propagande de l’école public et le divertissement des médias. L'immigration n'est as une chance pour la France, elle est un drâme pour les immigrés et une calamité pour les accueillants.

   Dans les Etats ouvertement dictatoriaux, le nationalisme est l’ingrédient ajouté. Beaucoup parlent de « nationaliste » pour définir « celui qui rejette l’autre ». Cette définition ne me satisfait pas, car ceci me semble être d’avantage le « racisme » ou la « xénophobie » que le racisme[8]. J’appel « nationaliste » celui qui a le culte de l’Etat, de ses institutions et de son idéologie ! A l’inverse, j’appel « patriote », celui qui aime sa terre, ses habitants et sa culture, sans pour autant rejeter l’autre[9].

 

   Il y a certainement d’autres ingrédients, mais voici ce qui me semble être les principaux ingrédients du Lumpen. C’est donc ainsi que j’ouvre ce sujet d’observation, description et peut-être, d’analyse de cet étrange[10], et pourtant proliférant animal.



[1] Karl Polanyi, La grande transformation, Gallimard, Paris, 2009 p 147

 Raconte dans la grande transformation qu’au XIXe siècle, on observait un tel phénomène : l’ancien paysan ayant travaillé à l’usine est, une fois renvoyé, paralysé et incapable de retourner au travail de la terre. Adam Smith prévoyait aussi l’infériorité intellectuel du travailleur industriel qui contrairement aux plus bas des travailleurs de la terre, ne sait rien faire d’autre que la tâche qui lui était assigné.

[2] Majid Rahnema, Quand la misère chasse la pauvreté, édition Fayard, Paris, 2003 p. 369 à 376

[3] Qui titrait un livre « adieu au prolétariat »

[4] Ce qui ne fait aucune espèce de différence de fond, public comme privé, sont des outils de la même caste.

[5] Ce qui n’est pas totalement faux, dans un sens, c’est l’avenir « souhaitable »…

[6] Petite question stupide : quel est le meilleur endroit dans l’univers pour se protéger de la xénophobie, si ce n’est son lieu d’origine ?!

[7] Trop de barrages, trop d’inadaptation, d’incompréhension, ce n’est ni de leur faute, ni de la faute des accueillants… il y a une situation, qui est cultivé et entretenu par des « gens de biens »

[8] Même si, racisme et xénophobie, sont des ingrédients du nationalisme.

[9] Même si, cela peut arriver parfois

[10] Fascinant pour certains Bobo pré-Eloïs, en quête d’exotisme au coin de la rue…

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