Rétrécir le monde à l’échelle humaine

Publié le par 問道

    C’est ce que m’inspire le chemin de l’humanité depuis maintenant 200 longues années. Nous croyons bigotement à des escroqueries morales et intellectuelles comme l’idée que de la « modernité » et du « progrès » comme vrais changements et avancés dans l’histoire de l’humanité, alors que dans le fond, rien n’a changé pour la plupart des hommes. Ce sont toujours des systèmes où une élite politique qui dominent le reste. Juste changent et se perfectionnent les moyens de contrôle. Le progrès technique n’est pas le progrès scientifique, tant que l’inventeur ou l’explorateur seront allongés aux pieds du prince ou du commerçant.

    Une langue vient de disparaître. C’est un drame, moins spectaculaire qu’un génocide physique, mais tout aussi dramatique et grave. C’est un génocide des hommes au-delà des petites considérations physiques et cognitives. Une langue, c’est l’expression d’un univers, la connaissance la plus poussée d’un environnement, d’un sens de l’existence. Ce sont des solutions à des problèmes qui nous dépassent, une richesse potentielle qui surpasse le quantifiable, qui comme toutes les choses ayant vraiment de la valeur, est au-delà de l’estimation. C’est cela le problème et la limite de la « modernité ». Se voulant « scientifique », elle l’est de façon malsaine : cette espèce de psychose de la maitrise et du contrôle, qui me semble intimement liée au chiffre, il faut quantifier les choses qui existent. Devant la limite de cette démarche, poussée par l’orgueil et l’arrogance, ce qui dépasse le quantifiable est jugé dangereux, barbare, pervers… puis finalement inutile et obsolète. C’est l’esprit scientifique occidental que dénonce D.T. Suzuki comme étant : « analytique, discriminatif, inductif, scientifique. Il aime à généraliser, à élaborer des concepts, des lois, à organiser. Il se veut schématique, impersonnel. Il est dominateur, toujours disposé à affirmer son importance, à imposer sa volonté à autrui, etc ».

    Il s’agit de limiter le monde moral, à mesure que notre monde physique s’agrandit. C’est là une chose étrange, mais finalement qui peut sembler logique : à mesure que l’univers physique grandit, notre univers moral rétrécit. Jacques Ellul expliquait bien que chaque progrès en matière technique, engendrait une régression morale. L’on se retrouve sans limite et sans repère, tout devient possible, et l’on se plait à chercher à ressembler à cette très mauvaise invention du moyen orient : Dieu. A l’origine limité, face à de nouvelles possibilités, arrivant d’un coup, la morale des hommes ne suit pas, la jouissance et son égo s’en retrouve flatté et il sombre dans la plus totale irresponsabilité. Le monde de l’homme seul s’agrandit, l’on parle de « village planétaire ». La Terre est la même qu’avant, juste nos moyens de circuler sont plus rapides. Plus performant ? Ca dépend un petit peu du point de vue. Si la performance, c’est de se déplacer vite, en effet, les moyens de locomotion sont performants. Si en revanche, il s’agit, au-delà du simple déplacement, de VOYAGER, c'est-à-dire de traverser des contrées que nous apprenons à connaître, les moyens de locomotions sont moins performants qu’avant. Plus que le monde qui rétrécit, ce sont nos relations avec autrui, nos rapports à l’environnement, qui se distendent et, nous sommes de plus en plus isolés.

    Autre problème que pose cet agrandissement du monde physique : une incapacité à régler les problèmes, à prendre des mesures et agir sur les problèmes que pose un système politique, économique ou idéologique. Des intérêts contradictoires, des idéologies divergentes et des « valeurs » différentes s’opposent, les décisions sont impossible à prendre et les solutions lointaines et paraissant utopiques. Plus le monde grandit, moins l’homme a de prise sur son existence et, il se retrouve prisonnier d’un système. Le territoire, le pays bien délimité, c’est un repère et une souveraineté concrète, sur lesquels les hommes ont prise. Dans un pays limité, le dirigeant a des comptes à rendre à la population. En démocratie, via les élections; en dictature, via les révoltes et les rebellions. L’effacement des frontières et la dissolution des entités font que le dirigeant n’a plus de compte à rendre à personne et, trouve la meilleur excuse pour justifier ses échecs ou son immobilisme devant les fléaux que créé et favorise le système universalisé.

Publié dans Modernité

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